Pour dire la vérité, nous sommes arrivées avec une petite demi-heure de retard... mais je suppose que vous pourrez toujours réécouter l'intégralité de la conférence dans quelques semaines sur le site du musée !

La conférence était donnée par Jean-Claude Milner, un linguiste et philosophe français qui depuis quelques années oriente ses recherches sur l'engagement politique et l'antisémitisme. Il a notamment écrit un livre intitulé Harry Potter. A l'école des sciences morales et politiques (portoloin).

Deux visions de l'Angleterre

Quand nous sommes arrivées, M. Milner était en train de comparer les buts du Seigneur des Anneaux et d'Harry Potter vis-à-vis de l'Angleterre.

Il avance que Tolkien aurait rédigé le Seigneur des Anneaux en voulant se détacher des Légendes Arthuriennes -et de fait, Merlin n'est jamais cité- et donner une autre épopée à l'Angleterre que celle-ci, tandis que JK Rowling se serait plutôt concentrée sur la dénonciation des organisations politiques telles que le Thatchérisme -représenté par exemple par la tante Marge qui pourrait être un diminutif pour Margaret Thatcher et dont le gonflement rappellerait la scène du Dictateur où il joue avec un ballon-globe.

JK Rowling montrerait ainsi que le monde magique n'est pas à l'abri du fascisant, et on le voit d'ailleurs très bien par la suite avec la prise de pouvoir de Vodlemort qui fait beaucoup penser au nazisme.

On retrouve également cette vision du fascisme dans le Seigneur des Anneaux, et notamment à travers Saroumane qui est savant et cultivé mais abdique face à Sauron -comme les grands pays européens ont abdiqué devant Hitler- et va même jusqu'à créer une armée et mener des expériences génétiques.

Le message envoyé par Tolkien

Dans le Seigneur des Anneaux, différents peuples -pour ne pas dire races- coexistes mais restent globalement séparées les unes des autres : les mariages inter-peuples sont extrêmement rares.

Milner souligne alors que Tolkien -allemand vivant en Angleterre depuis de nombreuses années- aurait été démarché par les nazis suite à la sortie du Hobbit en 1937 pour en faire une traduction, mais qu'il aurait refusé de travailler avec des personnes lui demandant s'il avait des juifs dans son ascendance. On ne peut donc pas l'accuser de racisme ou d'antisémitisme, pourtant quelques détails de son œuvre restent troublants :

  • Ceux qui travaillent (la terre pour les Hobbits, les mines pour les nains) sont petits et difformes, tandis que les hommes sont forts et courageux et que les elfes sont sages et savants.
     
  • Gollum correspond à de nombreux clichés juifs de l'époque nazie : il a mauvaise odeur, il incarne une certaine duplicité ainsi que la tromperie, il est avare, ... De plus, le fait qu'il soit intégralement détruit par le feu lors de sa mort pourrait faire penser à une "purification du monde" telle qu'elle était prescrite par certains penseurs nazis.

Le message envoyé par le Seigneur des Anneaux pourrait donc être vu comme inoffensif, mais peut aussi être perçue de manière plus sombre et porteuse d'un message bien moins adaptée à la jeunesse.

Le message envoyé par Rowling

Harry Potter n'aurait pas cette duplicité de lecture quant à lui.

Le héros fait son éducation -surtout émotionnelle en fait- tout au long de la saga :

  • il découvre la véritable amitié, celle de Dobby, qui n'est pas vraiment partagée par Harry avant la toute fin.
     
  • il découvre le véritable courage, celui de Rogue, qui se fait traiter de lâche alors qu'il oeuvre pour l'amour et le bien. D'ailleurs, quand Rogue dit avant de mourir "Tu as les yeux de ta mère" Harry finit par le voir à travers les yeux de sa mère et par comprendre ce qu'elle a pu aimer en cet homme qui ne s'aime pas lui-même.

Mais Harry fait aussi son éducation politique.

Quand il arrive dans le monde magique il pense qu'il s'agit d'un monde parfait et merveilleux, mais il découvre ensuite -notamment grâce à Hermione- que ce n'est pas le cas : les elfes de maisons sont des esclaves, et son éducation moldue lui permet de mieux comprendre que c'est mauvais (contrairement à Ron par exemple), et il découvre aussi qu'un seul sorcier peut incarner le pire de l'humanité.

Au final, c'est la question de la corruption qui finit par être traitée : on peut en effet penser que si Voldemort peut si facilement prendre le pouvoir c'est aussi parce que les sorciers se sentent supérieurs aux moldus voire à certains autres sorciers, et intouchables. Rowling veut donc faire comprendre que c'est intolérable, et ça c'est un bon message à transmettre aux lecteurs.

C'est ainsi que la conférence s'est achevée. Nous n'avons pas pu rester pour les questions-réponses, mais c'était une expérience intéressante (et en plus c'était gratuit !).